Retour à l’anecdote de Roland Dumas, obtenue de la bouche de François Mitterrand.
« On a besoin d’autant d’argent parce que la propagande, la “com” ont pris le pas sur les idées. Il faut flatter le peuple dans d’immenses meetings, avec des milliers de drapeaux et des écrans géants sur lesquels le candidat se prend pour une rock star. De Gaulle n’avait pas besoin de ça, Mitterrand non plus.
Quand il s’est présenté pour la seconde fois, je m’étais intéressé de loin à ces questions. Il m’avait confié : "Je n’ai rien à dire, l’argent arrive à flots." Il en était fortement étonné mais ne touchait à rien. "Ça" venait des grandes sociétés, des amis et de certains États africains. Je puis témoigner que l’on ne demandait rien. L’Afrique passait souvent par moi. Par d’autres aussi. Ceux qui apportent se "placent" évidemment et attendent des faveurs futures. Ceux-là, d’ailleurs, arrosent les deux camps ! Plus qu’amoral, c’est immoral et contraire à tout principe.
On savait qu’Elf était la pompe à fric, la pompe "Afrique", des grands partis politiques français, à commencer par les gaullistes. C’est ainsi que les gouvernements nommaient à sa tête des types sûrs. Quand Mitterrand a voulu changer le PDG, il n’a pas pris, comme c’était l’habitude, un major de Polytechnique ou un inspecteur des finances, , mais Loïk Le Floch-Prigent, qui sortait d’une école d’ingénieurs. À sa nomination en 1989, il est venu trouver le Président pour lui demander ce qu’il convenait de faire pour tous ces financements. Il lui fit cette réponse : "Ne changez rien, faites comme par le passé, mais soyez équitable". »